La montagn’hard – 2 juillet 2022
Départ vendredi à 17h à la sortie de l’école. Pas facile pendant l’aprem de se dire que les copains sont déjà sur place et qu’il faut patienter. Je saute donc dans la voiture direction St Gervais.
Quand j’arrive, Hélène et les garçons sont là dans l’appart’ ou plutôt Prési et les Mafates. Ils sont déjà passés chercher les dossards et ils achèvent leur repas avec une vue imprenable sur les Aravis et la vallée de l’Arve. A gauche, le Mt Joly, 1ère ascension du lendemain, dans les 2 formats, reste bouché. Il nous garde une part de mystère. La bonne humeur (traditionnelle) est de mise mais une petite appréhension plane. Comme toujours chacun a ses petits rituels et tout le monde part au lit vers 21h30.
A 2h30, les réveils des énervés sonnent. Paulo traîne un peu au lit comme si les Mafates l’avaient déjà un peu distancé. De mon côté, en mezzanine, je finis par me rendormir, bercé par les conversations petitdéjeunesques, en particulier celles de coach Marchand qui emploie le verbe « ratasser » à chaque phrase. Il est en forme le bougre !!
Peu avant de partir, mes 4 compères d’appart’ entonnent un « joyeux anniversaire Suzy » dont je me serais bien passé à cette heure-là mais le professor devait forcément envoyer un clin d’œil à sa petite dernière.
Vers 4h15, je me lève à mon tour. J’ai dormi de nouveau après le départ des copains et, avec le sommeil
emmagasiné les nuits précédentes, je me sens bien. Je prends mon petit-déj’ et j’aperçois une frontale sur la table (!?!). Philippe Berger a t-il ajouté une ligne à son palmarès ? Finalement, non, c’est le mulet de Jean-Luc, laissé là volontairement.
A 5h15, je pars prendre la navette. En attendant le bus, je discute avec un Vendéen de St Urbain (marais Vendéen, 1mD+ tous les 30km) qui prépare l’UTMB®, je lui transmets toutes mes condoléances pour la difficulté à s’entraîner !
Arrivé sur le site, je retrouve Laurel et Hardy qui ont posé leur camping-car à 150m de la ligne d’arrivée/départ. Cyril a moyennement dormi dans son lit d’1m70. Hésitation sur la tenue de départ (kway ou pas) sachant que la météo est excellente : pas un nuage dans le ciel ! Il fait encore à peine frais mais le soleil approche et commence à se montrer derrière l’empereur de 4807m au-dessus de nous. On se rend sur la ligne à 7h, plutôt sereins.
La 1ère partie de course de chaque format démarre gentiment avec la montée du Mt Joly : 7km et 1300mD+. Bon ben voilà, le ton est donné ! On suit les pistes de St Nicolas de Véroce. C’est plutôt bien car c’est assez large et ça permet à la course de se décanter avec ses 350 coureurs par format. Il faut saluer le fait que les organisateurs
limitent le nombre d’inscrits. Ils pourraient accepter plus de coureurs mais ce ne serait pas agréable d’être plus nombreux.
On chemine sur une crête qui fait qu’on aperçoit le sommet pendant toute la montée. Au moins, on sait où on en est ! Notre départ est modeste. La vue est à couper le souffle (la montée aussi!). Étienne s’arrête quelques instants à la moitié de la côte et on le perd pour tout le reste de l’ascension (!). On a beau regarder partout autour, on ne le voit plus. On finit par le retrouver à 30m du sommet du Mt Joly et il arrive comme s’il avait fait la montée en off par un chemin différent !
On prend ½ photo et on trace vers l’aiguille croche. Sur cette crête aérienne, on oscille pendant 4km autour de 2500m d’altitude avec un panorama exceptionnel : Le Mt-Blanc, les Aiguilles rouges, les fiz, les Aravis mais aussi la Grande Sassière, la Meije, la Pierra Menta et même le Vercors !!
Le sentier se court plutôt bien. Étienne commence à lâcher les chevaux et j’accélère le pas mais en le
laissant partir un peu car son rythme ne me convient pas. Finalement, je lisse mon effort et reste à proximité de lui. Le problème c’est qu’on perd « el opticor » qui préfère ne pas suivre. Il est d’ailleurs en train de gamberger mentalement à partir de ce moment-là.
Sur cette arête, on se fait doubler par un avion de chasse bodybuildé ! Au passage du coureur, je dis à Étienne qu’il a des mollets dignes de Dimitri Mityaev. On aborde ensuite la descente vers Les Contamines et d’autres coureurs du 50km nous doublent aussi. Ils sont partis 1h après nous et on n’a pas besoin d’avoir la couleur du dossard pour savoir si les coureurs sont sur le 52 ou le 72. Autour de la 10ème place au scratch du 50, c’est une coureuse rousse-russe qui nous double, 2ème avion de chasse ! En discutant avec un groupe de coureurs, j’apprends que ces coureurs à l’allure stratosphérique sont effectivement le couple Mityaev !! Ce coureur élite terminera d’ailleurs le 50km avec 50min d’avance sur le 2ème !!!!
La descente se fait sur des chemins de 4×4 et quelques singles d’alpage. Rien de bien passionnant mais il faut bien traverser les pistes de ski pour accéder au 1er ravito. 20Km et 3h de course. En temps normal, c’est une moyenne pas top mais sur cette course, c’est tout à fait honorable.
Étienne en repart très vite pour aller saluer ses supporters à Notre Dame de la
Gorge. En quelques secondes, il me dépose littéralement et je ne le rattrape que lorsqu’il s’arrête vers ses fans. Du coup, je démarre devant lui la modeste montée vers le col de la fenêtre : 1000mD+ en 8km avec surtout un violent début avec 600mD+ en 3km. C’est le moment de mon 1er coup de moins bien dans des passages à plus de 30% mais comme je double des coureurs du 72km, je me dis que je ne suis pas si mal. Étienne me rattrape et me dépose de nouveau (impossible de le suivre!).
Nous voilà au ravito du Signal. On est sur l’alpage des Contamines et, cette fois, on aperçoit le col de la fenêtre mais la pente est raisonnable (on ne va pas se le dire souvent au cours de la journée). Je réussis le tour de force de perdre Étienne dans le ravito ! Je repars, il n’est ni devant ni derrière ! Tant pis, on verra par la suite.
Ça va bien, je trottine et là, bing !!!, crampes au quadri gauche. Je tente de continuer en souffrant très fort et ça finit par passer. Ouf… Mais dans la minute qui suit, crampe au quadri droit… La tuile !! Il reste rien que 45km !!
Évidemment, Étienne me rejoint. Il avait « refait les niveaux » plus longtemps. Il me dépasse avant le col de la fenêtre qui offre une vue originale sur Hauteluce-Les Saisies et sur le barrage de la Girotte.
Place à la descente. Très jolis sentiers sauvages et pierreux. J’avance tant bien que mal en claudiquant, ou en ratassant comme dirait le coach. Au cours de la descente, je suis interpellé par un coureur local de St Gervais qui me dit qu’il a déjà vu mon maillot car il connaît un coureur, un certain Lolo. Quelle star !!
Progressivement, je recommence à courir et j’arrive à La Laya en me sentant mieux mais il fait chaud, très chaud à cette altitude.
Il faut déjà repartir vers de la montée : Objectif refuge du glacier de Tré-La-Tête avec 2km et 450mD+. On commence à trouver des coureurs assis sur un rocher, l’air défait. En les voyant, je me dis encore une fois que j’ai mal, très mal mais moins qu’eux ! (on se console comme on peut).
Au sommet, l’ambiance est chouette, la vue de dingue sur la vallée des Contamines. Le coca, les compotes sont dans une fontaine et il y a même un fût de bière. Certains coureurs, dont Étienne, osent se laisser tenter par une gorgée ultra-fraîche : ils sont fous ces traileurs !
Pour la suite, il suffit de baisser la tête et de voir le centre des Contamines juste en dessous : 800mD- à faire après avoir longé la montagne sous le glacier de la Bérangère.
Lorsqu’on retrouve du plat goudronné, c’est sympa de voir un petit coup du monde qui nous encourage même s’il fait très chaud dans les rues du village. Au ravito, je retrouve Étienne, que je n’avais plus vu depuis 1h30, et notre Prési-les-genoux-qui-grincent qui a décidé de poursuivre mais sur le 72km.
On repart donc à 3 mais rapidement, Étienne s’envole. Quelques minutes plus tard, Paulo me dit partir car il risque d’avoir du mal à suivre. J’accélère donc un peu le pas dans les chemins de 4×4 ombragés de la montée du Truc. Les coureurs commencent à évoquer le nom du Tricot. On est au km50 donc c’est loin d’être fini. Je reviens sur Étienne au
plateau du Truc. C’est vraiment un endroit agréable, hors du temps. La vue dans toutes les directions est superbe et on commence à apercevoir la morène glacière de Miage et ce fameux col du tricot qui fait si peur à tout le monde.
Après une courte descente, on arrive donc aux chalets de Miage, c’est un endroit idyllique. N’importe quel amoureux de la montagne souhaiterait poser son sac ici. Lorsque je m’arrête devant un vieux chalet en pierre pour demander à remplir mes flasques, je vois une bande de trentenaires attablés devant des bouteilles de bière ruisselantes de fraîcheur, des chips, un vieux saucisson. On paie pour se faire mal aux quadris mais, à ce moment-là, je brûle d’envie de tout lâcher et de m’asseoir auprès d’eux !!
Pourtant, il faut y retourner. Étienne et moi abordons cette montée modestement. Du pied, on voit des minuscules petits bonshommes en haut et on voit bien, durant les 2km et 600mD+ face à nous, que le rythme est lent. Heureusement, à la différence des Mafates passés plus tôt, il y a quelques endroits à l’ombre mais aucun répit. Les coureurs de la TDS qui passent ici, au km130 sur 145, doivent vivre un enfer ! Étienne prend quelques longueurs d’avance mais dans cette montée, bizarrement, il ne s’envole pas. On passe le sommet au bout d’environ 45min. On a eu du mal, beaucoup de mal mais on a quand même doublé des coureurs. Le coach a perdu sa verve habituelle !
Pour la descente, soit je marche soit je cours et je crampe dans la seconde qui suit : le choix est vite fait ! Il reste 4-5h de course, hors de question de se mettre à l’envers et de souffrir alors que le paysage est aussi magique. Étienne, qui a connu un bon coup de bambou dans la montée file. Je perds 3-4 places dans la descente jusqu’à la passerelle de
Bionnassay où l’eau du torrent crache de manière impressionnante. Il faut à présent remonter vers le ravito de Bellevue qu’on aurait déjà dû passer depuis 1km d’après le road-book. Connaissant un peu la topographie des lieux, je me rappelle qu’il faut remonter un peu d’abord mais il ne faudrait pas que le responsable du mémento course soit là, à ce moment-là, car je lui causerais du pays ! J’ai faim, j’ai soif et j’en ai marre !!!
Bon, finalement, arrive enfin Bellevue, gare du TMB en direction du nid d’aigle, passage de tous les alpinistes qui grimpent le Mt Blanc par la voie normale. La vue y est belle (sans dec’, quelle imagination!) avec un balcon sur la vallée de Chamonix. J’y retrouve Étienne et plein de coureurs dans un état aussi fébrile que mes quadris. Il est 20h30. C’est l’hécatombe chez les coureurs du 110km qui décident, tour à tour, de lâcher l’objectif initial et de se rabattre sur du plus facile : le 72km ! Ils se disent qu’il vaut mieux être finisher sur du Moins’hard que DNF sur du Très’hard ! N’empêche qu’il faut encore se cogner ce qu’on croit être 9km alors qu’il en reste 14 et encore 900mD+. J’entends des coureurs dire qu’il reste 4km pour rallier la bifurcation de Bionnassay avec le 110km puis 5km pour rejoindre l’arrivée : tranquillou ! En théorie, c’est une paille, on va mettre 2 heure et, hop, c’est bon !! Étienne et moi, mettrons encore quasiment 3h30 pour finir !
On repart ensemble et Étienne me lâche puisqu’il court et moi j’avance comme un traîne-bâtons. J’ai au moins la chance d’en avoir à la différence des « ratasseurs du 110km » qui nous la jouent free-hands en prépa de la diag pour Philou.
La nuit commence à tomber et, Ô miracle, mes quadris reviennent ! Je peux me remettre d’abord à trottiner puis même à courir. Excellente nouvelle à un moment où la plupart des coureurs ressentent l’inverse. Ça promet quelques places gagnées au classement même si je n’en ai pas grand’chose à faire à cette heure-ci.
Au passage de Bionnassay, je jette un bref coup d’œil à droite vers la route des coureurs du 110. Je me rappelle toutes les horreurs qu’ils auront à affronter et je me dis qu’on est sur la même course mais on n’est vraiment pas du même monde. Le Prarion, les Communailles, le Mont d’Arbois, le Mont Joux et autres, ça m’épuise rien que d’y penser et je n’ai déjà pas besoin de ça ! Les Mafates sont vraiment trop forts !
A ce moment-là, on est censé aller tout droit et remonter en face à St Nicolas… Mais non ! Le sentier repique à gauche et on repart dans l’pentu ! Je meugle un coup en me disant que non, ce n’est pas du tout ce qui est prévu ! Le sadique responsable du tracé nous a remis une bosse, un petit 100mD+ à 25% de moyenne. Il doit être derrière un buisson en train de se délecter de nos visages défaits !! Pas intérêt pour lui de se montrer sinon je lui fais bouffer mes bâtons !
En haut, on redescend. Cette fois, c’est juré on rentre… et vlan ! La route reprend à gauche pour un 150mD+ encore bien raide. Je me dis que le mec qui a tracé ce parcours mérite des coups d’aiguilles sous les ongles de pieds. On est au km68, il devrait rester environ 3km.
La nouvelle descente va bien, je cours toujours. La lassitude est mentale mais pas physique, c’est déjà ça. On va bien finir par rentrer… mais non ! Encore un raidar à gauche ! Bon sang, mais ça va jamais s’arrêter ce B….. Je me vois comme le Dahut qui dégringole et repart vers le haut comme un couillon à chaque fois qu’il a fini de descendre !
ENFIN, on traverse la route des Contamines. Ça veut dire qu’on arrive sur le bon versant. On perçoit le bruit de la sono. Cette fois, ça sent bon. Mais toujours pas ! Le sentier part parfaitement à l’opposé de la direction du speaker ! D’après ma montre, on doit arriver dans 500m mais je sais très bien qu’on doit d’abord passer au plateau de la Croix à St Nicolas avant de replonger sur l’arrivée. Autrement dit, il reste 450mD+ à avaler. Mes jambes vont vraiment bien et je rattrape plusieurs coureurs qui sont à l’arrêt. Ça fait vraiment du bien de les déposer comme ça, un sentiment que doit éprouver le mec du tracé de la course en pensant à nos jambes.
Finalement, au bout de 40min, j’aperçois enfin le téléski du plateau indiquant que, THÉORIQUEMENT, c’est fini pour le D+. Il ne reste qu’à filer vers l’arrivée avec 1,5km de descente.
Au final, je passe la ligne en 16h23 à la 75ème place sur 350 inscrits. 2 places et 5min derrière Étienne. C’est à peu près ce que je m’étais fixé en termes de temps mais absolument jamais ce que j’ai pensé réussir durant la course. Au niveau du classement, je suis très satisfait du résultat.
Ça a été féroce. Sur le coup, je me dis qu’on ne m’y reprendra pas car le défi était peut-être un peu trop haut pour moi. Mais comme dit Cyril le lendemain : « à l’arrivée, j’ai envie de brûler mes baskets et le lendemain, je n’ai qu’une envie : y retourner !! »
Place désormais au repos et à la récup !
Pour finir, je vais me coucher à 1h après être rentré en navette à St Gervais. Je consulte le live et je vois que les Mafates devraient arriver vers 6h. Je m’endors sans jamais trouver une position indolore pour mes cuisses. À 5h30, j’ouvre un œil, j’ai déjà bien dormi. Je me dis que j’ai le temps de faire les 7km pour rallier la ligne d’arrivée afin d’accueillir les héros de l’ALL.
Là-haut, je retrouve mes 2 compères du 72 (qui faisait 76km) tandis que Paulo est rentré à 3h à l’appart’. À 6h, les 3 Mafates arrivent, ils sont beaux, ils sont forts !!
On rentre à l’appart’ pour quelques heures de sommeil en échangeant sur l’immondice qu’ils viennent de vivre. Faut être un peu maboule pour s’infliger des trucs pareils.
Pour la petite histoire, je tomberai en panne de voiture sur l’A40 vers Bellegarde au retour et rentrerai en taxi à 20h, afin que le voyage ne soit pas trop reposant.
Un défi mémorable, une course excellente dans un cadre extra, une météo au top, des copains chouettes… Tout y était…
Vivement le prochain défi !!!!
Nos Mafates terminent leurs 110km et 7500mD+ en 25h18 à la 51ème place sur 350 et 5ème M3.
Étienne finit la Moins’hard avec 75km et 5700mD+ en 16h18 : 73ème sur 350 et 15ème M1
Je le suis en 16h23 en 75ème position et 9ème M2.
Cyril arrive 120ème en 18h15 et 21ème M2.
Enfin notre Paulo national termine en 20h42, 193ème place et 8ème M4.
Pour visualiser la Moins’Hard : https://ayvri.com/scene/6vk17r13kx/cl4y3cayn0001356ttup58wls
Philippe Bénier.
Commentaires
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philippe berger
Bravo “Institutor” pour ce joli récit global de cette Montagn’Hard dont on se souviendra et dont on parlera durant un moment !!!